AccueilInscriptionConnexionDonnées personnelles

Consultation d'un texte

Brasillach. Poèmes de Fresnes

Vous avez fait le ciel pour vous-même, Seigneur,
Et la terre d’ici pour les enfants des hommes,
Et nous ne savons pas de plus réels bonheurs
Que les bonheurs cernés par le monde où nous sommes,

Nous voulons bien un jour célébrer vos louanges
Et nous unir aux chants de vos désincarnés,
Mais vos enfants, Seigneur, ils ne sont pas des anges,
Et c’est aux cœurs d’en bas que le cœur est lié.

Pardonnez-nous, Seigneur, de ne pas oser croire
Que le bonheur pour nous ait une autre couleur
Que la joie de la source où nos bouches vont boire
Et du feu où nos mains recueillent la chaleur.

Pardonnez-nous, Seigneur, dans nos prisons captives
De songer avant tout aux vieux trésors humains,
Et de nous retourner toujours vers l’autre rive
Et d’appeler hier plus encore que demain.

Pardonnez-nous, Seigneur, si nos âmes charnelles
Ne veulent pas quitter leur compagnon le corps,
Et si je ne puis pas, ô terre fraternelle,
Goûter de l’avenir une autre forme encor.

Car les enfants pressés contre notre joue d’homme,
Les êtres qu’ont aimés nos cœurs d’adolescents
Demeurent à jamais devant ceux que nous sommes,
L’espoir et le regret les plus éblouissants.

Et nous ne pourrions pas, pétris de cette terre,
Rêver à quelque joie où ne nous suivraient pas
La peine et le plaisir, la nuit et la lumière
Qui brillaient sur le sol où marquèrent nos pas.

Robert Brasillach
Psaume II, Poèmes de Fresnes

 

Lazare

Tout, quand vous voulez, Seigneur, est possible,
Le verrou se tire au seuil du cachot,
Le fusil s'abaisse au bord de la cible,
Les morts qu'on pleurait sortent du tombeau.

Devant le tombeau, vous pleuriez aussi,
Devant le tombeau où dormait Lazare :
Aux jours de ce monde il fut votre ami,
Vous avez brisé ses sombres amarres.

Compagnon de Dieu, Lazare mon frère,
Viendrez-vous demain, viendrez-vous ce soir,
O vous né deux fois aux joies de la terre,
Patron à jamais des derniers espoirs ?

Près du monument se tient invisible
La petite fille aux yeux de matin.
Tout, quand vous voulez, Seigneur, est possible,
L'enfant Espérance a joint les deux mains.
Je remets, Seigneur, aux plis de sa robe
La peine des miens, l'étreinte du coeur :
Que l'enfant me rende, à l'heure de l'aube
Le jour de la terre, - ou, sinon, d'ailleurs.


Robert Brasillach - 4 février 1945,

Mots-clés : homme face à la mort. XXe siècle. Condamné