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1. Le mot. Racine, parcours, formation... _

Chapitre associé 1. Le mot en lui-même _
Description (5- Perfectionnement)

 

 

  1. 1.     L’Etymologie ? Qu’est-ce que c’est ?

 

« …le langage humain est prodigieusement étonnant et digne de notre émerveillement. » (Normand Baillargeon)

Le langage verbal est, parmi les codes divers qui servent à exprimer la pensée, l’un des plus importants, voire le principal. Les mots sont des éléments de ce code. Ils sont donc les outils qu’il faut bien connaître pour assurer la réussite de la communication.

« Les étymologies servent à faire entendre la force des mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primitif et les mots dérivés ; de plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. » (Du Marsais, Méth. de la lang. lat., Oeuvres, t. I, p. 6.)

 

Un peu d’histoire

La science de l’étymologie remonte aux dernières années du XVIIIe siècle, avec la découverte du sanskrit. Grâce à l’étude comparée des langues anciennes, on a pu reconstituer les racines (etymon = vrai) d’une langue mère, non écrite, parlée vers le troisième millénaire avant Jésus-Christ : l’indo-européen.

L’étude comparée des langues vivantes qui en sont issues (environ un millier) a permis de reconstituer leur évolution, de connaître les lois phonétiques de leur transformation et de mieux comprendre les liens qui les unissent autant que leurs spécificités. Apprendre l’étymologie permet donc non seulement d’avoir une connaissance plus approfondie et plus intelligente de la langue, mais aussi de s’ouvrir au monde, dans une perspective historique et contemporaine, le tout pour une meilleure communication.

Origine des mots de la langue française : le latin, pour la plupart, le grec, en assez grand nombre, les langues gauloises et germaniques, les dialectes de France, les langues romanes, les langues du Nord (allemand, anglais, néerlandais, langues scandinaves), sans compter l’arabe, l’hébreu, les langues africaines, le turc, les langues de l’Inde ou de l’Extrême-Orient, les langues américaines, l’argot, etc.

 

« D’après l’étymologie, verbe est la même chose que mot ou parole ; et il paraît que le verbe ne s’est approprié cette dénomination, que parce qu’on l’a regardé comme le mot par excellence. » (Condillac, Gramm. II, 6.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une pincée de phonétique :

Voici quelques exemples d'étymons indo-européens reconstitués et de mots dont ils sont l'origine :

« Père : Indo-européen : *ph₂tér

 

« Mère »

Indo-européen : *méh₂tēr

 

  1. 2.     Formation des mots : les recettes et les conséquences…

« …l’idée de formation nous renvoie au moule à fromage, et à l’idée d’uniforme, d’uniformité, de conformité, de conformisme, de formalisme, de formulaire…, tous mots qui gênent notre appétit de liberté et notre côté anticonformiste ou non-conformiste : qui rêverait d’être un fromage, une fourme ? Et pourtant, nous n’aimons pas non plus ce qui est difforme, informe, déformé ou amorphe... » (M.-A. Lambadarios)

 

Formation savante ou populaire ?

Le peuple (et le temps) déforme, les savants exhument et conservent… Le peuple transforme aqua en eau et en évier, les savants nous inventent des aqueducs, des aquariums et des solutions aqueuses…

 

Dérivation et composition

Le radical est l’élément essentiel du mot ; il contient son fondement, sa racine (radix, -cis).

A cette base, on peut rajouter une terminaison appelée suffixe pour former un mot dérivé (forme/formation).

On peut aussi composer de nouveaux mots par l’ajout d’un préfixe (devant le radical) ou par la combinaison de 2 mots ou de 2 racines, voire par la suppression d’une syllabe finale (informe/difforme ; bienfaisant ; cinéma[tographe]).

Bien sûr, il faut compter avec les lois de la phonétique. L’assimilation phonétique est un type très fréquent de modification subie par un son au contact d’un son voisin qui tend à réduire les différences entre les deux. Elle consiste en l’acquisition par un son d’une ou plusieurs caractéristiques propres à un son voisin. Elle peut être progressive ou régressive, suivant que l’assimilation est supportée par le son qui suit ou qui précède. Ce phénomène est à l’origine de la plupart de nos consonnes doubles en français, pour relier préfixe et radical.
Ex. : obfero/offrir ; *inlégal/illégal ; *disforme/difforme vs informe.

Une famille de mots regroupe tous les mots comportant la même racine, la même origine, le même gène. Ex. : forme, formation, informatique, déformer...

À ne pas confondre avec le champ lexical, qui regroupe tous les mots évoquant une même idée, une même notion, même d’origines différentes. Ex. : forme, moule, matrice...

 

  1. 3.     Du grec et du latin au français

 

On réapprend à lire et à écrire… en grec !

  • Les esprits  marquaient une aspiration ; les esprits doux se sont transformés en h muet, les esprits rudes en h aspiré.
  • Le y n’est que la majuscule du upsilon : Y. Tous les mots français formés d’une racine où il apparaît ont donc un i …grec !

Les prépositions et les racines latines et grecques à connaître sont apparentées…

  • Comment distinguer hippodrome hypothèse et hypoténuse ?

 

 

 

  1. 4.     Le mot et son réseau, sa famille, sa personnalité.

« Sache bien (…) qu’un langage impropre n’est pas seulement défectueux en soi, mais qu’il fait encore du mal aux âmes. » (Platon)

« Le secret d’une culture intelligente, c’est de savoir sur quel rayon de la bibliothèque se tient le Larousse. »  (Sacha Guitry)

 

Sens (dénotation, polysémie)

« Si j’étais chargé de gouverner le monde, je commencerais par rétablir le sens des mots. » (Confucius)

Les mots ont un sens, premier, littéral, qui leur est propre et que l’on retrouve dans le dictionnaire. Il s’agit de la définition du mot, de sa dénotation. Pour que la communication puisse s’établir, il faut s’entendre sur ce sens premier. Pour certains mots, c’est facile, pour d’autres moins (chaise ou amour…).

 « Le mot le plus sournois de la langue française est « déclaration ». Comment peut-il servir à la fois pour la guerre, les impôts et l’amour ? » (Patrick Sébastien)

« Un nègre en matière de littérature, c’est un Blanc qui travaille au noir pour le compte d’un écrivain marron. » (Popeck)

Par ailleurs, certains mots peuvent avoir plusieurs sens. On parle alors de polysémie (polus = nombreux, sêma = signe, caractère distinctif). Soit ces sens sont alors très proches du sens premier, mais dans des contextes différents, soit ils découlent historiquement ou sémantiquement d’un sens premier, soit ils se réfèrent à l’analogie, soit ils sont radicalement différents. Ainsi le mot souris peut-il évoquer un animal, un élément d’ordinateur, une couleur, une jeune-fille, un sourire ou un morceau du gigot d’agneau ; de même (et de façon assez amusante) parle-t-on d’un hôte pour celui qui reçoit et celui qui est reçu…

 

2 - Réseau : amis et faux amis (synonymes, homonymes, antonymes, paronymes)

« L’esprit rit des choses. L’humour rit avec elles. » (Carlyle) « Quand quelqu’un vous dit : je me tue à vous le dire, laissez-le mourir ! » (Jacques Prévert)

Mais il peut exister plusieurs façons d’évoquer une même chose ou une même notion. Les synonymes sont là pour cela (sun = avec, onuma = nom). Ce sont des mots de sens très proches, des amis en quelque sorte, des cousins avec une racine différente et parfois un autre registre. Ex. : travail, labeur, occupation, job, boulot… Ils évitent la monotonie, et permettent la nuance. Par là même ils participent de l’extrême richesse de la langue française. A noter cependant qu’ils ne sont pas des clones  et qu’ils ne sont pas interchangeables sans discernement.

« Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage »… (Pierre de Marbeuf)
 La vie amoureuse ? C’est très simple : on se veut et on s’enlace ; puis on s’en lasse et on s’en veut. »  (Sacha Guitry)
Les homonymes ([h]omoios = semblable, onuma = nom), quant à eux, sont des mots qui se prononcent de la même façon, mais dont la nature, le sens et l’orthographe sont généralement différents. Ils ne sont pas de la même famille. Et il faut bien les analyser pour les reconnaître. Ex. : mère, mer, maire…

« Mourir est tout au plus l’antonyme de naître. L’antonyme de vivre reste à trouver. » (Chris Marker)
Les antonymes (anti = contre, onuma = nom) sont des mots de sens contraires. Ex. : grand/petit.

Bélise : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? Martine : Qui parle d’offenser grand-mère ni grand-père ? » (Molière)
Attention aux paronymes (para = à côté de, onuma = nom), ce sont des mots qui se ressemblent sans avoir le même sens. Ex. : conjoncture et conjecture.
Leur méconnaissance peut prêter à confusion, comique ou tragique, c’est selon ; leur maîtrise est grandement facilitée par l’étymologie.

 

 

Personnalité (connotation, le mot outil d’information ou de désinformation)

« Chaque fois que je prends la parole, ce que je dis dépend de l’autre que vise mon langage : indifférent, adversaire ou ami et allié. Un sens est toujours le fruit d’une collaboration. » (Georges Gusdorf)

En plus de son sens premier, un mot transporte avec lui une charge émotionnelle, culturelle, intellectuelle, qui change en fonction des personnes qui l’utilisent : c’est ce qu’on appelle la connotation. Certains mots sont plus chargés que d’autres, comme les mots du vocabulaire politique ou religieux (cf. le film d’Alexandre de la Patellière et de Matthieu Delaporte, Le Prénom), mais il est possible d’avoir de réelles surprises avec des mots apparemment anodins si l’interlocuteur est inconnu (dites « Steve Jobs », certains verront l’entrepreneur de génie, d’autres le patron tyrannique…). Par voie de conséquence, l’utilisation (ou la méconnaissance) d’un certain vocabulaire nous permet de mieux connaître l’interlocuteur, mais nous dévoile aussi nous-mêmes, voire nous trahit par la même occasion. Pour maîtriser la communication, il est donc impératif d’avoir conscience de cette richesse extraordinaire et d’en tenir compte.

« Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. » Confucius

Tout cela fait du mot un outil merveilleux de communication, ou d’information. Mais, comme tout outil, il est susceptible d’être détourné de son but initial à des fins déloyales. Cela n’est pas nouveau puisque, depuis toujours, certains ont tiré de leur parfaite connaissance du langage tout le parti possible (cf. Socrate et les sophistes), mais cela s’accélère, dans un monde de « communication ». Bien connaître les mots, leurs sens, savoir les analyser et maîtriser leur agencement dans la phrase aide donc à se protéger des manœuvres de manipulation et de désinformation qui ne peuvent prendre leur appui que sur un appauvrissement de la langue et sur une méconnaissance de sa logique, sans parler d’un défaut de culture. Il s’agit simplement de prendre le dicton à la lettre et de ne pas permettre à d’autres de nous faire « prendre des vessies pour des lanternes ». A la base, tout est donc une question de « bon sens »…

« À force de répétitions et à l’aide d’une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent. » (Joseph Goebbels, ministre nazi de l’Information et de la Propagande, cité par Normand Baillargeon.)

« Il faut mener les hommes avec des phrases plus qu’avec la raison. » (Alphonse Karr)

« – Combien de pattes un cochon a-t-il ? – Quatre. – Et si nous appelions sa queue « patte. », combien de pattes a-t-il ? – Cinq. – Pas du tout : on ne peut pas transformer une queue en patte simplement en l’appelant patte. » (Énigme enfantine anonyme, citée par Normand Baillargeon, in Petit cours d’autodéfense intellectuelle.)